La colonne vertébrale
Tout d’abord, intéressons-nous à l’anatomie de la colonne vertébrale qui supporte les charges et les contraintes du déplacement des personnes ne pouvant se mouvoir seules. La colonne vertébrale érige le tronc, assure la mobilité de la tête et du dos ainsi que la protection de la moelle épinière et du départ des nerfs rachidiens qui vont innerver l’ensemble du corps. Elle forme des courbures naturelles qu’il est important de respecter lors de nos mouvements. On parle de la courbure cervicale, ainsi que de la courbure lombaire vers l’avant qui porte le nom de lordose. La courbure dorsale ou cyphose, va vers l’arrière. Le rachis est articulé grâce aux vertèbres et aux disques intervertébraux. Il est donc la poutre maîtresse qui soutient l’ensemble de notre squelette. C’est un ensemble d’éléments articulés, capable d’amortir les chocs et les pressions qu’il subit, mais qui n’en est pas moins fragile. Ses capacités d’amortissement ne sont pas infinies. Les gestes que nous faisons de manière instinctive et qui sollicitent notre dos ne protègent pas toujours notre colonne vertébrale, en particulier lorsque nous portons des charges lourdes. Petit à petit, sa structure peut s’altérer pour aboutir à des lésions qui entraînent des gênes ou des douleurs parfois importantes.
Les vertèbres
La colonne vertébrale de l’être humain est constituée d’un empilement de 24 vertèbres articulées entre elles grâce aux quatre apophyses articulaires formant des excroissances osseuses constituant l’articulation. A cela, s’ajoute neuf à dix autres vertèbres soudées.
Les disques intervertébraux
Un disque intervertébral est inséré entre chaque vertèbre. Chaque disque est constitué d’un anneau fibreux ou fibrocartilage, assez dur entourant un noyau gélatineux plus mou et déformable. L’ensemble amortit la pression qui s’exerce sur la colonne vertébrale lorsqu’elle est soumise à des contraintes. Par exemple, lorsque nous sommes debout, le poids de notre tête et de notre corps exerce une pression sur notre colonne vertébrale, de même lorsque nous nous penchons en avant, lorsque nous marchons, par l’effet des chocs sur le sol ou enfin lorsque nous portons une charge. Soumis à une pression, le noyau gélatineux contenu dans chaque disque intervertébral répartit cette pression à la périphérie de l’anneau fibreux.
Le disque s’aplatit et s’élargit. Il reprend sa forme initiale lorsque la pression s’arrête. De cette façon, la pression exercée sur la colonne vertébrale est transmise d’une vertèbre à l’autre et est amortie au niveau de chaque disque. La pression supportée par les disques est d’autant plus importante que l’on se rapproche du bas du dos, vers la région lombaire et le sacrum.
La colonne vertébrale est au centre d’une structure tonique
Des muscles situés le long des vertèbres, appelés muscles para-vertébraux soutiennent et stabilisent la colonne vertébrale. Avec le diaphragme qui sépare le thorax de l’abdomen, les muscles abdominaux et les muscles du périnée, les muscles para-vertébraux forment ce que l’on appelle le caisson abdominal. Lorsque l’on soulève une charge importante, la contraction des muscles du caisson abdominal resserre l’abdomen autour de la colonne vertébrale, ce qui forme une poutre rigide à l’avant de celle-ci et diminue les contraintes sur les vertèbres. Cette contraction, associée à une position du dos qui respecte les courbures de la colonne vertébrale permet de “verrouiller le bas du dos” et de diminuer considérablement, voire de moitié, la pression au niveau des disques des régions lombaire et sacrée.
Respecter la mécanique de la colonne vertébrale par des positions adaptées
Lorsque la colonne vertébrale est dans une position respectant ses courbures naturelles et que les muscles du caisson abdominal sont contractés, la répartition de la pression sur l’ensemble de la colonne permet aux disques intervertébraux de jouer leur rôle d’amortisseur sans subir de surcharge ni de dommage. Par contre, si la colonne vertébrale est dans une mauvaise position, de non-respect des courbures naturelles, la pression s’exerce préférentiellement sur la région lombaire et le bas du dos. Les disques intervertébraux de cette région subissent une déformation non homogène. Ils s’écrasent par endroit et leurs noyaux se déplacent vers la périphérie.
Si ces mouvements sont répétés trop souvent, l’anneau fibreux des disques finit par se fissurer. Parfois, lors d’un mouvement quelconque, le noyau d’un disque peut alors se coincer à la périphérie de celui-ci en faisant une hernie, et comprimer les nerfs situés dans cette région le nerf sciatique ou le nerf crural.
Les risques de gestes inadaptés pour le dos
Une contracture musculaire est une contraction douloureuse, involontaire et de durée variable d’un muscle, dont le mouvement se trouve alors limité. A ne pas confondre avec la rétraction musculaire qui correspond à la diminution de la longueur d’un muscle par un raccourcissement de ses fibres dont la cause est une maladie neuromusculaire. Cependant, les gestes inadaptés ne déclenchent pas forcément de douleur. Ils abîment petit à petit la colonne vertébrale, à des vitesses variables selon les personnes. Même si l’on n’a pas mal au dos, il faut rester vigilant par rapport à la façon de positionner son dos et plus généralement son corps. Les gestes inadaptés peuvent provoquer des problèmes à trois niveaux différents. Tout d’abord, la contracture des muscles du dos entraînant une douleur aiguë, en “coup de poignard” dans la partie lombaire de la colonne, c’est le lumbago.
La douleur apparaît brutalement à la suite d’un faux mouvement ou d’un effort pour se relever. Ensuite, la lésion des disques intervertébraux, principalement ceux de la région lombaire, qui entraîne un déplacement du noyau vers la périphérie du disque, et la compression d’un nerf, c’est la hernie discale. Si le nerf sciatique est touché, on a alors une sciatique qui se présente sous la forme d’une douleur vive et lancinante du bas du dos, de la fesse et de la cuisse, qui descend parfois jusqu’au pied et aux orteils. S’il s’agit du nerf crural, c’est alors une cruralgie, sous la forme d’une douleur à l’avant de la cuisse.
Enfin, une usure prématurée du cartilage des articulations vertébrales ou arthrose prématurée, entraîne une perte de souplesse des articulations et rend les mouvements plus difficiles et douloureux. Même en l’absence d’usure prématurée, l’arthrose fragilise les cartilages des articulations vertébrales subissant un vieillissement normal, accentuant ainsi les risques de douleur. Les autres parties du corps, les épaules, le haut du dos sont également sollicitées lorsque l’on porte des charges lourdes. Une bonne gestuelle permet de ne pas surexploiter certaines régions du corps par rapport à d’autres.
Avant tout déplacement de la personne, préparer l’environnement
Qu’il s’agisse d’une personne ou d’un carton rempli de livres, les techniques de manutention sont les mêmes pour soulever ou déplacer une charge, tout en épargnant son dos. Elles s’appuient donc sur des grands principes et une certaine gestuelle. Leur application permet, lorsque l’on porte une charge, de protéger la colonne vertébrale. Ces gestes assurent la sécurité et le confort de la personne portée et respectent la mécanique du dos de la personne qui porte, d’où l’importance de les apprendre et de les utiliser autant que nécessaire. Commencez par dégager l’espace pour avoir le moins d’efforts à faire et dans les meilleures conditions possibles.
Dans la mesure où l’environnement le permet, positionner de manière astucieuse les différents éléments les uns par rapport aux autres, le lit, le fauteuil, la table…. Enlever du fauteuil ce qui pourrait gêner le transfert, les accoudoirs, les repose-pied… Enlever du sol tout ce qui pourrait gêner le déplacement. Si le lit et le fauteuil sont à hauteur variable, adaptez leurs hauteurs à celle de votre taille pour avoir à soulever le moins possible. Pour chaque geste, prévenez la personne de ce que vous vous apprêtez à faire pour que la coopération entre vous soit bonne. Demandez-lui si la position est confortable pour la réajuster si nécessaire. Veillez au positionnement de ses mains qui ne doivent pas être ballantes mais bien calées.
Les grands principes de la manutention
Se recentrer sur soi, avant de faire n’importe quel geste. Agir sans précipitation ni crispation, penser aux mouvements que l’on va réaliser, permet d’adopter la posture qui convient et d’agir avec douceur. Rapprochez-vous le plus possible du corps de la personne que vous portez car plus la charge est loin de votre dos, plus la pression supportée par votre colonne vertébrale est importante. Vos bras doivent être fléchis plutôt que tendus vers l’avant. Par ailleurs, ce rapprochement favorise les gestes enveloppants, plus sécurisants et adaptés aux personnes dont le tonus musculaire est faible. Verrouillez le bas de votre dos au moment de réaliser le geste. Positionnez correctement le dos, ni trop cambré, ni trop rond, et contractez les muscles du caisson abdominal. Autrement dit, serrez le ventre et serrez les fesses.
Pour sentir la bonne position du dos, il faut s’entraîner à basculer le bassin d’avant en arrière jusqu’à trouver la bonne attitude. Faites travailler vos jambes à la place du dos. Fléchissez-les sans excès plutôt que de plier le dos vers l’avant. Ecartez les jambes pour avoir des appuis stables. Si vous déplacez la personne, il faut pivoter sur vos pieds avant de vous déplacer plutôt que d’imposer une torsion à votre dos. Pour bien ressentir ce mouvement, on peut s’entraîner à prendre cette position seul avec une petite charge, le dos verrouillé.
En fait, on voit que la préparation au déplacement des personnes doit se faire selon certaines règles qu’il convient de respecter si l’on ne veut pas se « casser le dos ». Dans un prochain article, nous aurons l’occasion de voir comment s’y prendre pour soulever et déplacer une personne malade ou handicapée.